Littérature – Philosophie
globe terrestre ancien

Qu’est-ce qu’une rupture ?

Temps de lecture : 2 minutes

La disparition d’un monde

L’autre est une partie de soi. Dans la rupture, cette partie disparaît. C’est l’arrachement d’un membre, d’un fond, d’un socle qui s’évanouit. Cela est banal. C’est ainsi.

Mais il y a bien plus dans la rupture. Elle est disparition d’un monde. Avec l’autre la perception change, la réalité apparaît différemment, elle est nouvelle. Les repères, les lois, les couleurs, les saveurs, l’alternance de l’éclat et de l’obscurité, le goût, le désir et l’énigme, tout cela est neuf. Un nouvel ordre des choses apparaît. Le mouvement vital prend une direction inédite. Voilà ce qu’est un monde.

La rupture n’est pas seulement le manque, la souffrance de l’absence de l’autre. Elle est néantisation, brusque suppression d’une réalité. Elle est le vécu d’une brutale dissolution des repères, des supports, des habitudes, de la perception, de la douce sécurité de la présence, de l’excitation du projet, de la volonté de vivre pour créer. Ce n’est pas seulement quelqu’un qui part. C’est le réel qui sombre.

Traîner dans rien

On est alors perdu. Le regard voit, mais il n’y a rien à voir. Les mains touchent mais il n’y a rien à toucher. Les sens sont bien là, mais rien autour.

C’est pourquoi les êtres sans monde traînent, vagabondent, errent, car un monde, c’est aussi des directions. La fin d’un monde emporte avec elle les chemins qui nous mènent quelque part. On traîne, on se traîne. On est fardeau de soi car ce n’est pas seulement l’orientation qui manque. C’est aussi l’appui du chemin sous nos pas. Pour tenir on marche alors… sur soi-même. On s’écrase.

La solitude

Et plus la rupture survient à un âge avancé, plus l’irréversibilité torture. On étouffe sous l’impossibilité du recommencement. Le temps manque. Le monde disparu ne sera plus reconstruit. On va, ainsi, déambuler dans un rien que seule la survie meublera, çà et là, de quelques repères. On dit parfois que tout devient insipide après la rupture. Oui, peut-être, mais le monde n’a pas perdu sa saveur… il n’est plus.

C’est cela, sans doute, la véritable solitude… non pas être seul au monde, mais ne plus avoir de monde…

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4 Responses

  1. Merci Denis,

    Ce texte exprime exactement ce que j’ai vécu tantôt.

    Depuis, l’attention aux petits bonheur du quotidien, un regain d’activités sociales, de nouveaux amis sont venus remplir ce vide, qui semblait impossible à combler.

    Revenir à soi et s’intéresser aux autres.

    Ne plus dépendre d’une personne.

  2. Les « êtres sans monde » me sont familiers, sans polarité. Tantôt stables dans leur aquoibonnisme, tantôt emportés, ils ne savent ni où ni pourquoi

  3. Il arrivera un jour où on lève les yeux et voit le ciel bleu, les fleurs fraiches s’ouvrent au printemps; alors de nouveau on l’a le monde. Un nouveau cycle commence; les sens redeviennent réels. Ainsi est la vie. Le néant est la vie. L’acceptation fait avancer. Toutes choses ; toutes situations ont leurs beautés.

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