L’art est libre. La peinture, la littérature, le cinéma, etc., ne sont liés à aucun sujet dramatique. L’art n’a rien à dire nécessairement qui serait LE sujet. Il peut répéter mille fois la même chose ou non, peu importe. Il peut être engagé, dégagé, enragé. Il peut parler d’une pomme ou d’un génocide, d’une brise de printemps ou d’une tragédie.
La seule chose qui importe est la forme, cette forme qui s’empare de tous les fonds, cette forme qui déforme, transfigure, révèle, triture, « violente » parfois les choses.
Donner un magnifique scénario à un piètre réalisateur, il en fera un mauvais film. Donner une histoire banale à un grand réalisateur et il en fera une œuvre. Jean Gabin disait : pour faire un bon film il faut trois choses : une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire. Je crois qu’il commet là une erreur fondamentale. Pour faire un bon film il faut un bon metteur en scène et de bons acteurs.
Ce n’est pas l’originalité de l’histoire qui fait une belle oeuvre, c’est sa forme, son style, son expression.
C’est là, sans doute, que tout se joue. La marque d’un artiste est de rendre sublime une anecdote, bouleversant une banalité, renversant un cliché, explosif une monotonie. C’est faire vibrer de passion une morne réalité.
Quand l’art se penche sur des sujets graves, cela peut faire illusion. On peut être influencé et penser qu’il s’agit d’une grande œuvre. Or le sujet n’entre en rien dans la valeur esthétique.
Rabaisser la valeur littéraire d’une œuvre parce qu’elle prend pour thème un sujet maintes fois traité me semble être une mécompréhension de ce qu’est l’art. Certes, il est possible d’être agacé par la récurrence, mais précisément, l’art consiste à faire naître la création au sein même de la répétition. Plus encore. Celle-ci n’existe plus devant le grand art. Je pense à René Char : « L’acte est vierge, même répété. »
Et si en plus il y a une belle histoire….