Littérature – Philosophie

La domination masculine ou la violence justifiée

Temps de lecture : 4 minutes

La culture dissimule la violence

La domination des hommes sur les femmes dans le monde est une domination fondée sur la primaire et sauvage force physique qui exprime le pouvoir. Il s’agit d’assurer sa prééminence en faisant parler la violence. Cependant, les hommes n’acceptent pas cela car ils se veulent humains. L’idée d’admettre une pure et simple bestialité entre en contradiction avec l’idée de culture. Tout ce qui est naturel en notre humanité est immédiatement transformé. Le corps, première nature, si l’on peut dire, est, selon les cultures, gravé, tatoué, mutilé, habillé, corseté, etc. La nature est insatisfaisante. Ainsi, de même façon, l’exercice primaire de la violence en vue de dominer est recouvert d’un habit culturel qui va légitimer l’acte violent.

Aucun homme, ou à peu près, ne dira qu’il a violenté une femme juste pour exercer sa force dominatrice. Ainsi, les hommes donnent à ce fond originel une justification qui leur permet de se différencier de la condition purement animale.

En somme, l’homme se donne une légitimité qui permet de camoufler cet élan naturel afin de se définir comme humain malgré la violence qu’il exerce. On dénombre au moins trois justifications qui se recoupent l’une l’autre :

  •     La religion

Ici, c’est Dieu qui justifie la domination. Elle est donc normale. L’homme qui fait appliquer la loi de Dieu ne se considère pas comme responsable de ce qu’il fait subir aux femmes. La domination purement physique revêt l’habit de la justification théologique. Les hommes peuvent ainsi tout faire et se considérer juste comme des pions entre les mains de Dieu. Les textes religieux qui prônent la soumission des femmes offrent aux hommes un ordre divin qui les dépasse et qui, ainsi, déresponsabilise leurs actes.

  •     La culture ou la tradition

D’autres violences que les femmes subissent sont légitimées par des coutumes, des traditions qui, elles aussi, déculpabilisent les hommes. Il y a dans la tradition une essence qui dépasse la décision humaine. Même si elle vient des hommes à l’origine, elle se présente progressivement comme étant autonome, comme une valeur qui s’impose de l’extérieur, qui est sacrée est donc intouchable. Du coup, là aussi, les hommes se justifient. Ce n’est pas leur brutalité qui s’exprime, c’est la tradition. On peut alors imposer des mutilations sexuelles sans aucun problème. On peut ajouter des justifications sociales, mythologiques ou autres. La finalité est la même : elle « humanise » en donnant une « valeur » à l’exercice de la violence masculine.

  •      L’essence féminine

D’autres violences, encore, notamment les violences sexuelles, suivent le même chemin de justification. Car un homme n’avouera jamais, ni aux autres, ni peut-être à lui-même, qu’il a violé ou agressé sexuellement une femme juste parce qu’il en avait envie, juste comme ça, pour son plaisir, pour exercer une domination. Non. Il reporte la justification sur la femme elle-même. Soit ce sont toutes des salopes, et ainsi, quand elles disent non, on sait bien que c’est oui, soit elles provoquent par leurs vêtements, leur comportement, leur présence même. Voilà ce qui est globalement pensé. C’est alors l’essence même de la féminité qui justifie l’agression. C’est l’identité féminine. Les hommes pensent, ainsi, qu’ils ne sont pas responsables. Leurs actes sont motivés par « l’être des femmes ». Les femmes sont alors coupables de leur propre souffrance.

Il y a donc ici une justification qui déresponsabilise le sauvage qui, en vérité, exerce juste sa force pour dominer.  Dans tous les cas, pour ne pas être réduit à une sauvagerie pure et simple, les hommes mettent en place des légitimations posées comme immuables et indépendantes de la décision humaine, qui s’imposent de l’extérieur et qui permettent de garder l’illusion d’avoir un comportement humain.

L’homme essaie en somme de sauver son humanité dans ses actes violents. Mais dans le fond, c’est juste le besoin d’exprimer une puissance primaire.

La peur de l’autonomie des femmes

Cette force primaire prend la forme d’une domination sociale, professionnelle, cognitive, etc. Et ce qui est en jeu, ici, c’est de retirer aux femmes la décision, la liberté, l’autonomie et ainsi la libre pensée et la libre organisation de leur vie. Elles ont toujours alors une tâche théologique, traditionnelle, culturelle, sociologique qui est d’être au service des hommes.

Pourquoi leur retirer cette autonomie ? La violence s’exerce pour l’affirmation primaire d’un pouvoir, mais aussi en raison de la crainte de perdre ce pouvoir, la peur de faire face à l’affaiblissement de la virilité. Ici, plus l’homme se sent faible, plus il est violent. Une femme libre, autonome, sans servitude théologique, culturelle et identitaire, est considérée comme une menace, celle, précisément, de perdre le pouvoir.

La violence faite aux femmes n’est en définitive qu’une expression primaire, sauvage, de l’exercice d’une puissance dont les responsables sont exclusivement ceux qui génèrent cette violence : les hommes. Voilà, sans doute, ce qu’ils ne peuvent regarder en face.

En évoquant les hommes il ne s’agit nullement des hommes en général, mais des hommes qui acceptent et défendent ces justifications.

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2 réponses

  1. Merci beaucoup pour votre article !
    lasticienne engagée, j’ai réalisé des oeuvres sur le sujet des violences faites aux femmes que j’ai pu présenter à 400 lycéens français pour la Journée des Femmes 2018. L’action est aussi la pédagogie et le débat.

    Une oeuvre intitulée « Phallocratie », à découvrir : https://1011-art.blogspot.fr/p/phallocratie.html, sur le sujet de la domination sociale, culturelle et symbolique exercée par les hommes sur les femmes.

    Quand l’art permet de parler toutefois avec humour de cette prégnance virile !

    Mais aussi une série sur les mutilations sexuelles intitulée « Infibulation ». Quand l’art permet de parler directement des MGF et d’ouvrir le débat.
    A découvrir : https://1011-art.blogspot.fr/p/blog-page.html

    Dans les deux cas le dialogue fut incroyable avec les élèves

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