Littérature – Philosophie

Avis critique sur : « Frère d’âme » de David Diop, Paris, Seuil, 2018

Temps de lecture : 2 minutes

Le livre raconte l’histoire d’un soldat sénégalais pendant la guerre 14-18.

L’écriture naïve, ingénue, est celle d’un étranger qui se bat pour la France. C’est la parole de celui qui parle mal la langue, qui n’a pas d’éducation. Il répète incessamment des phrases rituelles : « Par la vérité de Dieu », par exemple ou : « Mon plus que frère » en évoquant son ami mort sur le champ de bataille, comme ces rythmes répétitifs de la musique africaine.

Au cours de ma lecture une chose retient mon attention. Je ne sais pas si elle est originale ou non, mon manque de culture littéraire est bien là, mais je constate une dissociation entre la voix, l’écriture, et la conscience de celui qui raconte. Deux niveaux contradictoires interpellent :

L’écriture est naïve. La conscience du narrateur est précise. Pénétrante.

Son comportement est « mécanique ». Sa perception de la réalité est profonde.

Son action est inconsciente. Sa lucidité sur l’essence de ce merdier est totale.

Il agit comme un sadique coupeur de mains et il en parle sans le moindre plaisir. Il raconte la scène avec un détachement qui donne l’impression qu’il parle d’un autre.

Il est celui qui croit, Dieu est omniprésent. On constate sa liberté individuelle comme origine.

Il semble un peu dérangé, dément et sa pleine conscience du monde en fait un analyste saisissant.

Il répète sans cesse : « Par la vérité de Dieu. » Mais n’est-ce pas aussi sa propre vérité à lui ?

Je n’arrive pas à pénétrer totalement le sens du livre. Peut-être faut-il aussi connaître un peu la pensée africaine pour cela. Je ne sais pas.

Ce qui m’a interpellé dans cette écriture, pas toujours il est vrai, c’est un style qui ne s’accorde pas avec le message. Un phrasé qui est discordant par rapport à ce qu’il exprime ( moins vers la fin). C’est peut-être aussi là l’un des sens de la littérature : exprimer une dissonance, un écart dans la normalité, une discordance dans l’ordre…

On peut ou non aimer ce style, mais il y a, me semble-t-il, ce quelque chose qui intrigue et qui rend ce livre intéressant, qui donne à l’écriture une aura qui porte le lecteur, même s’il ne saisit pas tout, à rester quand même dans le texte. Peut-être est-ce alors l’une des marques d’un livre réussi…

C’est ce qui a retenu mon attention.

J’ai peut-être raté quelque chose… On peut toujours rater quelque chose…

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1 Response

  1. Je pense, comme vous, être passé à côté de quelque chose, tout du moins sur les deux derniers chapitres; d’ailleurs, que s’est il passé lors de la relation avec Mademoiselle François, et par la suite? La fusion entre les âmes des deux frères, la transmutation de l’esprit de la grue dans le corps du lion se fait elle du vivant de ce dernier, ou a-t-il été passé par les armes suite à ce dernier et premier accouplement, peut-être non consenti, et peut-être funeste pour la jeune fille? Pourquoi les invocations du nom de Dieu, quasi systématiques dans les écrits musulmans et dans le reste de ce récit, n’y apparaissent elles plus?…

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